Troisième journée
Ponçage

Et c’est ainsi, après avoir enfin pu prendre les transports en commun malgré un accident sur la ligne, que nous nous retrouvons ensemble et commençons tout d’abord par un peu de ponçage. Enfin, quand je dis « on », c’est en fait mon acolyte. Je prends quelques photos et la laisse parce que cette étape provoque beaucoup de poussières et je ne préfère pas que ça rentre dans mon appareil photo.
Je suis pour l’occasion couverte d’un masque et de mon tablier histoire de protéger un minimum mes vêtements. Je ponce donc le dos pour qu’il soit sans irrégularité ainsi que les bords des cartons pour que leur arrêtes soit plus douces.
Carte à dos, carte à dos
Puis vient l’étape de la réalisation de la carte à dos (je ne me trompe pas Pause Reliure ?). Je commence à comprendre que le travail arrive VRAIMENT à sa fin, puisque je me souviens soudainement qu’elle m’avait expliqué à quoi la carte à dos servait. Et franchement, je n’arrive absolument pas à poser les mots dessus. Il y a une histoire de déformation de la toile. Pause Reliure, aide-moi s’il te plaît ! En tout cas, il y a une étape très satisfaisante où elle enlève un peu d’épaisseur sur les côtés, c’est la vidéo avec le petit tournicotis qui se forme avec son scalpel.
C’est tout à fait ça Elina. C’est la taille de la carte à dos. Elle sert à ce que la toile ne soit pas directement collée sur le dos du livre. Car ça gênerait l’ouverture et avec le temps la toile sur le dos pourrait s’endommager.
Je coupe la carte à dos de la largeur du dos & de la hauteur des cartons. J’élague les bords de la hauteur pour diminuer l’épaisseur (la vidéo avec le petit tortillon). C’est un détail qui fera que la carte à dos ne sera pas visible une fois le livre couvert.
Couvrure (enfin !)
Et là, tout se passe assez vite. Elle prend la toile coupée la veille, dispose sa carte à dos et les cartons qui vont devant et derrière, m’explique une dernière fois le processus et… elle prend la colle, tartine la toile, dépose les différents éléments dessus, coupe, plie, affine… c’est très impressionnant à voir, on sent la maîtrise du geste. Et c’est passionnant à regarder. Puis, elle met l’ensemble autour du « bloc de pages » et ça part sous poids quelques minutes.



La couvrure ! Enfin ! C’est une de mes étapes préférées, car le livre revêt son apparence définitive — hors dorure — . Contrairement à une reliure passée carton, la couvrure se fait à part et tous les éléments sont séparés. Il me faut donc être vigilante à ce que tout soit bien aligné en tête et en queue. Une épaisseur de carton entre la carte à dos et les cartons pour que la couvrure s’emboîte parfaitement sur le corps d’ouvrage. Je coupe les coins pour pouvoir les plier, je rabats les remplis, ceux de la queue et de la tête en premier avant de faire ceux de gouttière. Je place la couvrure sur le bloc texte pour que la carte à dos, que j’ai préalablement humidifié juste avant la couvrure, puisse sécher avec la forme de l’arrondi du dos. Cela me permet aussi de voir si la distance entre la carte et les cartons est suffisante sans être trop grande.
Si tout va bien, comme ici, je fais tout sécher sous poids. Si ça ne va pas… Il faut recommencer la couvrure, voir la coupe des cartons et de la carte à dos.

Emboîtage
Je peux enfin voir le design presque final de mon livre, je sens mon petit ventre qui se tord (et ce n’est pas parce que j’ai faim). Lorsque Pause Reliure enlève le poids et commence à préparer la page de garde (elle découpe les bords) elle fait… l’action la plus excellente qui a manqué de me faire exploser de rire pendant que je filmais. Elle découpe un morceau de papier avec son scalpel et le repousse avec un tel dédain que je trouvais ça excellent.

Elle remet de la colle sur la page de garde, ainsi que la mousseline et remet la couverture dessus. Puis, ça retourne sous la grosse presse et je reste devant comme une demeurée pendant un petit moment, admirant le relié qui prend forme, qui est beau, magnifique, chatoyant… Tout.
Lorsqu’elle le sort, je suis amoureuse instantanément. Bon… C’était peut-être déjà un peu le cas avant. Mais voir ce super relié avec sa belle toile bleu vert et tout… Je me sentais toute étrange, et je ne taris pas d’éloges à Pause Reliure, lui disant que son taf est incroyable, magnifique, c’est le meilleur.
Pour être tout à fait honnête, l’étape de l’emboîtage m’a un peu stressée. Je travaille plus des reliures traditionnelles que des emboîtages, et j’ai gardé de mon CAP une petite appréhension de cette étape. Mais reprenons ! Avant tout emboîtage, je taille un peu la garde blanche pour qu’elle se colle sans dépasser du reste du bloc livre. Une fois fait, j’encolle ma garde et ma charnière de mousseline. Je place correctement le corps d’ouvrage sur la couvrure, 3mm de chasse de chaque côté, et je referme le plat sur la garde. J’entre-ouvre pour voir s’il n’y a pas de soucis. Je mets des buvards/feuilles pour éviter que l’humidité de la colle ne se transfère aux autres pages, et je fais l’autre côté. Je vérifie que tout soit bien d’équerre. Et je mets en presse pour un petit quart d’heure.
Puis je sors le livre de presse, et je regarde si tout va bien.
Elina a l’air contente. Moi, je note quelques petits défauts, que je corrigerai sur les emboîtages finaux. Les prototypes, ça sert à ça.
Panne d’inspiration
Et là, nous prenons une « pause » avec Nam Stram Gram, et nous discutons du design de la couverture… Et c’est le drame.
Je vois plus ou moins ce que je veux, mais j’ai du mal à imaginer mon livre avec la dorure de couverture ou de derrière. Je ne parviens pas à mettre de mots sur ce que j’aime. Je sais que je veux quelque chose de floral. Je veux des ronces. J’ai envie que mon titre soit en négatif (en bleu de la toile). Je propose des idées (de merde). Et je désespère.
C’est là que je deviens un minimum utile ! J’essaye de trouver des petites idées pour le décor, même si j’avoue qu’au final, le travail fut pleinement collectif (et c’est tant mieux, parce que moi aussi, j’avais l’impression de faire de la merde…). À force de petits gribouillis plus ou moins informes, nous réussissons ensemble à déterminer des formes et des entrelacs. Je me rassure en me disant, au regard mon croquis, que cela rendra sans doute vachement mieux au propre.
Nam et Pause Reliure comprennent plus ou moins où je veux en venir. Pause Reliure me montre des exemples de choses qui se font et même si j’essaye de faire un dessin (de merde), je n’arrive pas à avancer. Heureusement, les filles sont là pour m’aider. L’une sur un petit carnet, l’autre sur sa tablette. Elles arrivent plus ou moins au même résultat, sans se concerter.

Elles arrivent, à l’aide de détails et d’expériences, à mettre en forme ce que j’ai en tête. Et enfin, c’est l’illumination. J’arrive à imaginer ma couverture, ainsi que le derrière. Où je donne une idée de ce que j’aimerai. Les filles sont enthousiastes, elles aiment ma soudaine idée pour l’arrière. Pour la couverture, on se met d’accord sur quelque chose qui pourra nous servir pour chaque tome, car Pause Reliure aura un espace où elle pourra personnaliser et mettre le sous-titre du roman.
Je suis ultra soulagée de voir que ça se précise enfin. De voir que j’apprécie cette couverture, que je l’imagine facilement et que je suis ravie de ce que ça va donner. Nam me dit qu’elle va me faire un design au propre, et moi, ma mission sera de faire un fichier vectorisé pour l’entreprise qui doit nous faire le devis.
Dorure
Tout est bien qui finit bien. Et l’on s’en va attaquer la dorure sur le dos. Enfin, surtout Pause Reliure ! Qui a déjà préparé les machins qui tiennent les caractères (j’ai encore oublié le nom, excuse-moi). Un composteur ♥ C’est vraiment l’étape où je la vois la plus méticuleuse et la plus concentrée possible. Elle fait chauffer son matériel, prépare la feuille (ou le film ?) d’argent. Film oeser argenté pour être précise. Elle mesure, fait des repères, se concentre pour que ce soit centré. Je ne sais plus à quel moment elle m’explique comment elle va aligner le nom « Parfaite Agonie » et le sous-titre (ici : « Déni »). Comme il y a un sous-titre assez long, on regarde au niveau de la place, pour que ça fasse toujours quelque chose de cohérent dans la bibliothèque, et d’aligné. C’est tout bon…


Dorure ♥ J’aime cette étape. Et quand nous avons commencé à parler du décor aux prémices de cette aventure, j’ai tout de suite proposé un décor à la plaque. Pour deux raisons : La possibilité de faire un décor chiadé aux petits oignons & personnalisé et de pouvoir mettre du détail sans que cela soit trop onéreux sur l’ensemble de la série. Avec une plaque recto et une verso pour la totalité des emboîtages, on amortira facilement le prix de la fabrication de plaques pour un rendu identique sur chaque tome.
Elle fait le point, la tomaison, je crois. C’est super joli, j’ai mes yeux qui se plissent de joie. Puis, elle attaque le titre et le sous-titre. Je fais juste un petit bout de vidéo, et je la laisse tranquille (enfin, aussi tranquille qu’elle puisse être avec une mongolienne chantant La Compagnie Créole à côté, je précise que Nam n’était pas en reste).
« Oups » ?


Pour la dorure du dos, nous avons opté pour une tomaison avec un fleuron point (un point par tome), puis une dorure en long à l’anglaise. Le titre de la série dans une police Elzevir suivi du titre du tome dans une Elzevir plus petite. Avec une petite touche de fantaisie sur le A de Agonie.
Sur mon titrage j’ai eu un petit défaut, je ne considérais donc pas ma dorure finie au grand dépit de mes amies qui n’ont donc eut pas le droit de regarder mon travail inachevé. Je dois cependant dire que leur chant entêtant eut une tendance à me détendre et donc contre toute attente à m’aider dans mon travail. Une fois, que je considérai mon ouvrage fini, je le tendais à Elina, qui… émit une sorte de son indéfinissable. Je pense qu’elle était contente.
Il me faudra pour ma part, réussir à sortir de mon titrage pour réellement l’apprécier.
Le changement d’air aide à prendre du recul sur son travail et en apprécier le résultat. N’est-ce pas Elina ?…

Et lorsque je peux enfin voir mon petit relié avec le titrage réalisé par ses soins… Je meurs. Mes yeux vomissent des paillettes tellement je suis heureuse. Je n’ai pas eu les mots pour lui signifier à quel point j’étais fan de son travail. Alors, je me suis contenté de pousser un cri. C’est magnifique, c’est trop beau, même s’il n’y a pas encore le décor devant et derrière. Déjà, je sais que le travail va défoncer. Je suis amoureuse de ce relié.
Apparemment, les gens qui ont suivi l’aventure aussi. Merci pour ça ! C’était vraiment super !
Angoisse et excitation
Nous mangeons ensemble le soir avec ma mère. Une magnifique chose a été accomplie. Et enfin… nous décidons de nous revoir le lendemain, afin de rédiger ces quelques lignes. Ou plutôt, ce mini pavé. Et encore maintenant, je suis ultra excitée (même si mon amie ne s’en rend pas compte parce que je suis calme devant son PC portable), j’ai trop hâte, et je suis angoissée à l’idée de sortir mon roman.
D’ailleurs… pour répondre à vos questions… Oui, le relié sera en vente. Il va arriver. Mais il n’y en aura que dix exemplaires. Sauf que deux sont déjà réservés. Donc, il ne n’en reste plus que huit.

